Coronavirus : quel impact sur les comportements de consommation ? 

Coronavirus : quel impact sur les comportements de consommation ?

Les premiers cas de coronavirus (Covid-19) sont apparus en France à la fin du mois de janvier. Face à la propagation du virus, les autorités ont décidé de déclencher le stade 2 de l’épidémie le vendredi 28 février. S’il y avait déjà eu quelques signes de stockage de produits alimentaires et non-alimentaires, cette annonce a déclenché un véritable vent de panique chez les consommateurs. Ils ont été nombreux à se rendre immédiatement en grandes surfaces pour réaliser des achats de précaution, boostant les ventes de produits de grande consommation. Décryptage du phénomène.

Des premiers signes de stockage observés dès le 17 février

 

Selon une analyse de Nielsen, certains consommateurs ont commencé à faire des réserves dès le 17 février devant l’accélération du nombre de cas de coronavirus. Ainsi, au cours de la semaine du 17 au 23 février, les ventes en grandes surfaces montraient des premiers signes de stockage. Certaines catégories étaient en forte progression avec des hausses spectaculaires en volume :

  • Les couches : + 27 %
  • L’essuie-tout : + 17 %
  • Les pâtes : + 13 %
  • La farine : + 11 %
  • La pâte à tartiner : + 10 %

Néanmoins, à ce moment-là, l’impact n’était pas encore visible sur des catégories comme les boissons, le lait et le papier toilette. Le passage au stade 2 le 28 février a tout changé, accentuant les craintes des consommateurs.

Une ruée massive en magasin le 29 février

 

Le samedi 29 février a vu un afflux massif de consommateurs dans les grandes surfaces, avec un chiffre d’affaires en hausse de plus de 20 % sur un ensemble représentatif de catégories de grande consommation. Certaines catégories ont même vu leurs ventes doubler !

D’après Nielsen, les catégories qui ont connu les plus fortes progressions le samedi 29 février par rapport à la moyenne des samedis précédents sont :

  • Les pâtes et les conserves de poisson : + 100 %
  • Les céréales : + 70 %
  • Le riz et la purée : + 50 %
  • Les conserves de légumes, les huiles et les eaux : de + 40 % à + 50 %

Ces chiffres exceptionnels, même pour une fin de mois, montrent que les consommateurs ont été nombreux à faire des achats de précaution. Les pâtes symbolisent tout particulièrement ce phénomène. Certains magasins ont été dévalisés, notamment dans les régions les plus touchées par le virus comme l’Oise ou le Morbihan, avec des rayons presque vides en fin de journée. Des taux de rupture multipliés par 7 par rapport à un samedi habituel ont été observés.

Sur l’ensemble de la semaine du 24 février au 1er mars, le chiffre d’affaires de la grande consommation était en progression de 5 %, porté par les produits d’épicerie (+ 17 %), les soins pour bébés (+ 15 %) et les produits de santé (+ 14 %). Les aliments pour animaux étaient également en hausse de 11 %.

Un vent de panique

 

Ces achats de précaution sont symptomatiques de la panique qui s’est emparée d’un grand nombre de Français. Selon une étude IFOP-Illicomed, 61 % des Français se disent inquiets pour eux et leur famille face au coronavirus. Par ailleurs, ils sont 31 % à être inquiets à l’idée de faire leurs courses dans les supermarchés. Le niveau d’anxiété est bien supérieur à celui suscité par d’autres crises sanitaires comme Ebola ou la grippe A/H1N1.

Anne Haine, Directrice Générale de Nielsen France, explique : « L’incertitude autour de la situation sanitaire actuelle a une influence concrète et récente sur le comportement des consommateurs, qui d’une part suivent les consignes sanitaires du gouvernement mais sur-réagissent parfois également – de manière plus ou moins rationnelle – en stockant certains produits de première nécessité. »

Les experts estiment néanmoins que le phénomène devrait se tasser, puisque beaucoup de Français ont déjà constitué des réserves. Par ailleurs, la grande distribution a confirmé qu’il n’y aurait pas de ruptures de stock dans l’immédiat. Une grande enseigne expliquait aux Echos : « Il existe des ruptures partielles en fin de journée. Mais les magasins sont réapprovisionnés dès le lendemain. Les fournisseurs honorent les commandes et ne signalent pas de risques ».

Le Ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire a invité les consommateurs à ne pas céder à la panique. Il a déclaré, comme rapporté par Linéaires : « J’incite tous nos compatriotes à éviter les achats de précaution dans la grande distribution. Il n’y a pas de risque de pénurie sur les biens essentiels dans la grande distribution. »

Le drive et la livraison à domicile privilégiés

 

Autre conséquence de la propagation du coronavirus : les commandes en drive et en livraison à domicile sont en forte augmentation. Un porte-parole d’Auchan partageait avec La Tribune :  « C’est très impressionnant: les gens ne veulent clairement pas prendre le risque d’aller en magasin et d’entrer en contact avec qui que ce soit. »

Même son de cloche du côté de Nielsen qui explique : « De plus en plus de consommateurs veulent limiter la promiscuité dans les lieux publics, grandes villes en tête. »

Plusieurs enseignes comme Intermarché et Super U ont confirmé la progression spectaculaire des commandes en drive. A travers la France, certains drives ont même dû embaucher du personnel supplémentaire pour honorer les commandes des consommateurs.

Selon Lebondrive.fr, en moyenne, les drives ont enregistré 3 fois plus de commandes qu’habituellement le lundi 2 mars, soit juste après que l’épidémie soit passée au stade 2. Le comparateur note que le panier moyen est en augmentation, avec une surreprésentation de certaines catégories de produits.

La livraison à domicile a quant à elle progressé de 74 % entre le 24 février et le 1er mars. Nielsen estime que le coronavirus pourrait accélérer le basculement de nombreux consommateurs vers les achats en ligne.

Les grandes marques sur le pont

 

Dans ce contexte, les grandes marques sont très sollicitées. Xavier Riescher, Président du groupe Panzani, expliquait à LSA le 3 mars dernier : « La semaine dernière, nous avons observé une croissance de 50 à 100 % de nos commandes selon les enseignes et même de 25 % sur le frais, ce qui est assez irrationnel puisque par définition le frais ne se stocke pas ».

Il y aurait à ce jour plus de 2 mois de stock de pâtes en France. Néanmoins, face à l’augmentation de la demande, certains fabricants de produits de grande consommation ont pris des mesures. Ils sont plusieurs à indiquer qu’ils se concentrent sur les 20/80. D’autres prévoient d’accélérer et de fluidifier la production, par exemple en limitant les promotions et les lots.

Néanmoins, si l’épidémie venait à durer, certains industriels pourraient en subir les conséquences, en particulier ceux qui utilisent des ingrédients en provenance de Chine. Le groupe Coca-Cola a ainsi indiqué qu’il pourrait être confronté à des approvisionnements plus serrés de certains ingrédients si les opérations de production ou d’exportation en Chine se détérioraient. Cela pourrait surtout affecter sa gamme light.

Un impact dans toute l’Europe

 

La ruée massive en grandes surfaces des consommateurs français n’est pas un cas isolé. Des phénomènes similaires ont été observés à travers l’Europe et notamment en Allemagne, en Espagne, en Italie, au Luxembourg, aux Pays-Bas ou encore au Royaume-Uni.

Selon Nielsen, les consommateurs italiens ont rapidement réalisé des achats de précaution face à l’accélération de la pandémie dans leur pays. Au cours de la semaine du 17 au 23 février, les ventes de produits de grande consommation ont ainsi progressé de 8,3 %, avec une hausse de 11,2 % dans la zone Lombardie-Vénétie-Ligurie. En Lombardie seule, le dimanche 23 février, les achats ont augmenté de 87 %.

Par ailleurs, les ménages italiens ont aussi privilégié les commandes en ligne pour éviter de fréquenter les grandes surfaces. Nielsen note que l’augmentation des achats en ligne de produits de grande consommation a atteint 57 %, bien au-delà de la tendance tous circuits (+ 8,3 %).

Au Royaume-Uni, un sondage de Retail Economics révèle qu’un consommateur sur 10 a déjà constitué des réserves. Les médias parlent de « panic buying » pour désigner ces achats de précaution. Pour éviter la pénurie, des enseignes comme Tesco ont décidé d’imposer une limite de 5 articles par consommateur sur certaines catégories de produits comme les pâtes, le lait ou les conserves de légumes.

L’expansion du coronavirus a donc provoqué un afflux massif de consommateurs dans les grandes surfaces en France et à travers l’Europe. Craignant d’être confinés, les ménages ont constitué des stocks de produits de grande consommation. Ces achats ont profité aux grandes marques : elles ont réalisé un chiffre d’affaires record ces dernières semaines. La propagation du coronavirus a également favorisé le drive et les achats en ligne, avec une progression sans précédent. L’épidémie s’installant durablement en Europe, ce phénomène devrait persister. Les marques de produits de grande consommation s’organisent pour satisfaire la demande et éviter la pénurie. Reste à savoir si cette situation inédite modifiera en profondeur les comportements de consommation des Français.

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