Pourquoi les soldes ont perdu de leur attractivité 

Pourquoi les soldes ont perdu de leur attractivité

Il y a 10 ans, il n’était pas rare de prendre un jour de congé pour ne pas manquer le premier jour des soldes et faire les meilleures affaires en magasin ! En ce début de nouvelle décennie, si les Français sont désormais nombreux à acheter en ligne, notamment via leur mobile, la baisse de fréquentation en magasin est aussi liée à un désamour pour les soldes. Les temps forts promotionnels se multiplient et les soldes ne sont plus un point de repère aussi fort. Retour sur les causes de cette perte d’attractivité.

Les temps forts promotionnels sont toujours plus nombreux

 

Si les soldes d’hiver et d’été sont des rendez-vous historiques, ils ne sont plus les seuls temps forts promotionnels attendus par les clients au cours de l’année. Des évènements comme le Black Friday ont pris beaucoup d’ampleur et d’autres ont récemment fait leur apparition comme les French Days ou encore le Singles Day importé de Chine.

Les ventes privées se sont aussi considérablement développées. De nombreuses marques proposent à leurs clients fidèles de bénéficier de réductions en avant-première avant le début des soldes. Ces ventes privées ont largement contribué à cannibaliser les soldes.

Ainsi, selon une étude OpinionWay pour Marques Avenue publiée au mois de janvier 2020, 85% des Français considèrent que les soldes n’ont plus rien d’exceptionnel. De fait, 73% admettent ne pas faire la différence entre soldes, promotions et ventes privées. Par ailleurs, 70% des Français jugent qu’il y a trop d’opérations promotionnelles tout au long de l’année.

 « Il est incontestable qu’une partie des Français a le sentiment de rabais permanents. Les notions de valeur des produits et de juste prix sont devenues floues dans l’esprit des consommateurs, une part significative d’entre eux sont en perte de repères et confondent les différentes opérations les unes avec les autres » explique Zakari Leriche, Directeur Général de Marques Avenue.

Une étude de l’Observatoire Société et Consommation (ObSoCo), également parue début janvier 2020, confirme cette confusion grandissante. 63% des consommateurs considèrent que l’abondance de promotions fait perdre les repères sur les prix.

Seule la moitié des Français restent attachés aux soldes

 

Dans ce contexte, seuls 56% des Français se disent attachés aux soldes d’après l’étude OpinionWay. Désormais, ils ne sont que 37% à les attendre avec impatience. Les soldes « ne sont plus qu’un point dans un nuage d’événements promotionnels » affirmait au Figaro Laurent Thoumine, Responsable Europe du secteur retail chez Accenture.

Le budget moyen consacré aux soldes d’hiver 2020 est de 193€ selon un sondage réalisé par Ifop pour Spartoo. C’est 40€ de moins que pour le dernier Black Friday, durant lequel les consommateurs prévoyaient de dépenser 233€ en moyenne.

Pour tenter de « réenchanter les soldes », le gouvernement a décidé de ramener la durée des soldes de 6 semaines à 4 semaines. Delphine Gény-Stephann, ancienne secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances expliquait au Parisien : « Les professionnels ont exprimé le souhait de réduire la durée des soldes d’été et d’hiver afin de focaliser l’attention, créer plus d’urgence et d’envie. Car dans la perception du consommateur, une période de plus d’un mois est trop longue et l’intérêt se dilue. »

OpinionWay a demandé aux consommateurs leur avis sur la question. 74% des Français considèrent que le passage des soldes de 6 semaines à 4 semaines est une bonne chose, et ce pour diverses raisons :

  • 66% pensent que 4 semaines c’est largement suffisant pour en profiter
  • 43% estiment que cela va permettre de réaffirmer le caractère exceptionnel des soldes
  • 37% considèrent qu’en réduisant les soldes, on réaffirme le sens du prix des produits
  • 34% déclarent que cela va permettre de lutter contre la surconsommation
  • 24% disent que cela permettra de réduire les sollicitations à l’achat
Shopmium - soldes - attractivite 2

Les marques mettent les bouchées doubles

 

Pour attirer et séduire les consommateurs, les marques tentent de booster l’attractivité des soldes :

  • Le site de vente en ligne de chaussures Spartoo mise sur des rabais importants. Boris Saragaglia, PDG de Spartoo, confiait avant le début des soldes d’hiver 2020 : « Depuis plusieurs années maintenant, nous savons que les consommateurs sont devenus très exigeants en termes de rabais. Sur spartoo.com, près de 100 000 produits seront soldés avec des discounts allant jusqu’à 60% dès la première semaine. » 
  • L’enseigne Fnac a mis en place un mécanisme incitatif pour doper ses ventes, avec 20 euros offerts à ses adhérents tous les 150 euros d’achat lors du deuxième week-end des soldes. 
  • Le Printemps propose également des réductions significatives pour déclencher l’acte d’achat. Isabelle Roux, directrice commerciale du Printemps Haussmann expliquait à France Info en janvier 2019 : « La période de soldes reste incontournable. Même si nos périodes d’avant-première sont très importantes. On a réalisé 20% de notre chiffre d’affaires. J’aurais tendance à dire qu’en avant-première nos clientes font un achat réfléchi. Elles ont vu une pièce en courte-saison qu’elles ont envie d’acheter et la remise les aide à franchir le pas. La période de soldes, on est plutôt sur un achat d’impulsion où on va avoir un coup de cœur pour un produit à un prix très attractif.»

Le consommateur est devenu stratège

 

Si les soldes perdent de leur attrait, c’est aussi parce que le consommateur devient stratège. Désormais, les Français recherchent des bons plans et des prix bas tout l’année. Pour beaucoup d’entre eux, et notamment les consommateurs jeunes et connectés, payer « plein pot » n’est plus envisageable. Les consommateurs sont toujours plus nombreux à utiliser des comparateurs de prix, des sites de cashback et des applications promos comme Shopmium.

Boris Descarrega, Directeur associé à l’ObSoCo, expliquait ainsi dans une interview accordée au Nouvel Obs : « Avec l’e-commerce, les ventes privées, les ventes flash et les codes promo dans tous les sens, y compris de la part de distributeurs classiques sur leurs sites, les jeunes ont pris l’habitude de ne plus acheter au prix fort. Les prix cassés sont devenus la norme. Et pour eux, les promotions ne se remplacent pas mais s’ajoutent ! Très réceptifs et favorables aux démarches commerciales, ils développent un ensemble de stratégies pour acheter moins cher ».

Selon Kantar Worldpanel, près de la moitié (47%) des vêtements, chaussures, sacs et linge de maison sont achetés en promotion : 20% pendant les soldes et 27% pendant les opérations ponctuelles. « La France est, après l’Italie, le pays où il y a le plus de dépenses réalisées à prix barrés sur l’habillement et la chaussure » affirmait le panéliste à LSA.

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La surconsommation est pointée du doigt

 

Les soldes et opérations promotionnelles sont aussi de plus en plus critiqués pour leur contribution à la surconsommation.

Raphaël Guastavi, Responsable du service Mobilisation et Valorisation des déchets à l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) et expert de l’économie circulaire, affirmait à La Croix : « Les soldes peuvent être vus de manière positive s’ils permettent d’écouler les invendus. Mais ils suscitent des achats compulsifs et reflètent en outre la surproduction mondiale du secteur textile liée à la mode “rapide”, qui renouvelle les collections de plus en plus vite ». Boris Descarrega de l’ObSoCo estime aussi qu’on « ne fait pas les soldes pour faire des économies mais pour consommer plus ».

En Suède, après le « flygskam » (la honte de voler), on observe ainsi l’émergence d’un phénomène « köpskam » (la honte d’acheter). Comme le rapporte le HuffPost, le PDG de la société de conseil suédoise HUI Research pense que ce n’est « probablement qu’une question de temps avant que le köpskam devienne un concept répandu ».

Dans ce contexte, coïncidant avec les soldes d’hiver 2020, la plateforme Cdiscount a lancé une campagne de communication autour des avantages des produits reconditionnés comme le souligne l’ADN. La campagne est soutenue par un plan média et par une campagne d’affichage dans les villes de taille moyenne. La marque explique sur son site : « Chez nous, il y a aussi du reconditionné. C’est moins cher pour vous et c’est mieux pour l’environnement ». Des promotions sur des produits reconditionnés sont ainsi mises en avant sur la homepage du site pendant les soldes.

Les soldes ne sont donc plus un rendez-vous phare attendu impatiemment par les consommateurs. Avec la multiplication des temps forts promotionnels et des ventes privées, les soldes sont perçus comme une opération parmi d’autres. Par ailleurs, le consommateur est devenu stratège cherchant à faire les meilleures affaires tout au long de l’année grâce aux comparateurs de prix, aux sites de cashback et aux applications promotionnelles. Il est également de plus en plus attentif à son impact sur l’environnement, limitant sa consommation et privilégiant l’économie circulaire.

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